Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres

 

Quelles ont été les transformations de la société française, du XVIIème au XVIIIème siècles ? A quelles crispations et tensions ont-elles conduit ?

I.  La paysannerie sous tension

 

A. Les trois ordres de la société

 

À l’époque moderne, la société est divisée en trois ordres hérités du Moyen Âge. Le clergé et la noblesse sont des ordres privilégiés. Le troisième ordre, le tiers état, regroupe 97 % de la population et est composé de tout le reste de la population.  C’est la société d'ordres. Ces ordres étaient, dans les faits, très divers, et hiérarchisés.

 

B. Le poids de la fiscalité sur le monde paysan

 

  • Vers 1700, la France compte environ 22 millions d’habitants dont près de 85 % sont des ruraux. Les paysans vivent au sein d’une paroisse sous la dépendance de seigneurs. Ils doivent leur verser le cens (taxe sur les terres), les banalités, fournir des corvées et supporter de nombreux interdits (de chasse, pêche…). Ils doivent aussi la dîme au clergé.
  • La fiscalité royale repose essentiellement sur la paysannerie, qu’il s’agisse des impôts directs comme la taille, ou indirects. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les révoltes contre les impôts royaux sont fréquentes. En Normandie par exemple, les Va-nu-pieds se soulèvent en 1639 contre l’introduction de la gabelle dans leur région qui en était jusqu’à présent exemptée.

 

 

C. L’amélioration de la condition paysanne au XVIIIe siècle

 

  • Au XVIIIe siècle, le climat est beaucoup plus favorable à l’agriculture et permet des récoltes plus abondantes. L’État améliore le réseau routier, ce qui permet d’approvisionner les régions en difficulté, et il améliore aussi les conditions de stockage du blé. Enfin, on constate quelques progrès techniques localisés et un début de spécialisation agricole régionale. Ainsi, la production agricole augmente de 25 à 40 % au cours du XVIIIe siècle et la population française, mieux nourrie, passe de 22 millions en 1700 à 27 millions en 1790.
  • Cependant les inégalités restent fortes dans les campagnes. Les laboureurs qui peuvent innover et profiter de la hausse des prix en vendant leur production, s’enrichissent alors que les tenanciers et les ouvriers agricoles ont des vies qui restent très difficiles.

 

II. Le monde urbain : une société en évolution

 

A. La croissance des villes

  • Les villes commencent leur croissance au XVIIIe siècle.  Elles regroupent 16 % des Français en 1725  et 19  %  en  1789.  Les plus dynamiques sont les grands ports atlantiques qui profitent de l’essor du commerce avec l’Afrique et les îles d’Amérique  (Bordeaux,  Nantes,  La  Rochelle). Paris et les centres de l’administration royale connaissent aussi une certaine croissance liée au renforcement de l’État. L’essor urbain s’explique surtout par l’exode rural.
  • Les villes débordent de leurs remparts et certaines s’embellissent. À Nantes et Bordeaux, on aménage les bords des fleuves et les marchands construisent de beaux hôtels particuliers dans un style nouveau (style néoclassique).

 

B. L’essor des bourgeoisies

 

  • Les villes sont les lieux de vie de la bourgeoisie. La bourgeoisie de robe comprend les officiers de justice et de finance, de plus en plus nombreux avec la montée de l’État royal. La grande bourgeoisie marchande se développe surtout au XVIIIe siècle. Une moyenne bourgeoisie se forme aussi, composée de notaires, avocats, médecins…
  • Les bourgeois aspirent à vivre comme des nobles. Les plus riches achètent des seigneuries et des charges anoblissantes. Certains se font aussi anoblir par lettres d’anoblissement. Mais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, il est de plus en plus difficile d’acquérir la noblesse. Les bourgeois se sentent humiliés de ne pouvoir bénéficier des mêmes avantages que les nobles.

 

C. Le peuple des villes

  • L’essentiel de la population urbaine est composé d’artisans qui travaillent dans des ateliers et qui sont regroupés dans des corporations. Mais il y a aussi de plus en plus de pauvres dans les villes, souvent issus des campagnes : domestiques, journaliers pratiquant de petits métiers, et tout en bas, les mendiants, dont le nombre se gonfle lors des crises économiques.
  • À partir du milieu du XVIIe siècle, à Paris et dans les grandes villes, on enferme les pauvres avec les laissés-pour-compte de la société (prostituées, aliénés…) dans les établissements des hôpitaux généraux. La mendicité devient un délit au XVIIIe siècle.

 

III. Le rôle de la noblesse, les femmes d’influence.

 

A. La diversité de la noblesse

  • La noblesse, deuxième ordre du royaume, dispose de privilèges honorifiques (port de l’épée), fiscaux (ils paient très peu d’impôts), judiciaires (ils sont jugés par des tribunaux différents). Certains postes dans l’armée, l’administration et les fonctions d’évêques et abbés leur sont réservés. 
  • Cependant, la noblesse est très  diverse.  La haute noblesse  dispose  d’immenses domaines et est reçue à la Cour du roi, alors que la petite noblesse vit pauvrement sur ses terres. La noblesse de robe regroupe ceux qui ont obtenu des offices anoblissants ou leurs descendants.

 

B. La noblesse lutte pour conserver son rôle

 

  • Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la petite noblesse cherche à rétablir des droits seigneuriaux anciens tombés en désuétude = « réaction seigneuriale ». La noblesse obtient aussi de participer davantage aux affaires de l’État : sur 75 ministres du roi de 1718 à 1789, 72 sont d’origine noble, essentiellement de robe. Enfin, par l’intermédiaire des Parlements, elle s’oppose à toute remise en cause de ses privilèges fiscaux. Des nobles investissent dans les industries naissantes de la mine et de la métallurgie sans pour autant déroger (perdre leur noblesse).

 

C. Les femmes d’influence

 

  • Aux XVIIe et XVIIIe siècle, certaines femmes jouent un rôle politique ou religieux telle Madame de Maintenon auprès de Louis XIV. On assiste aussi à des réussites dans la littérature et dans l’art surtout à partir de 1750 (l’artiste peintre Élisabeth Vigée-Lebrun à la fin du XVIIIe siècle). Les salons littéraires tenus par des femmes naissent au  XVIIe  siècle.  
  • Au XVIIIe siècle, ils deviennent  des  lieux  de  rencontre  de  la  communauté  intellectuelle, scientifique et politique par lesquels circulent les idées nouvelles des Lumières. Les salons de Madame de Tencin (1682-1749) ou de Madame Geoffrin (1699-1777) jouissent d’une notoriété internationale.

Vocabulaire

Les banalités  les taxes que paie le paysan en échange de l’utilisation obligatoire du four, du moulin, du pressoir du seigneur.

Une charge anoblissante  une fonction qui donne automatiquement la noblesse (certains offices, certains conseils municipaux…).

Une corporation  l’association des gens d’un même métier, chargée de fixer les règlements du métier (conditions de travail, façon de fabriquer des produits…).

Les droits seigneuriaux l’ensemble des droits que possède un seigneur sur les paysans qui dépendent de lui (taxes, corvées…).

L’hôpital général lieu de renfermement des pauvres créé par l’édit royal de 1656. Géré par des magistrats du Parlement, il est composé de plusieurs établissements dont ceux de Bicêtre, la Pitié, la Salpêtrière

Un journalier  un travailleur payé à la journée ou à la tâche.

Les Lumières mouvement de pensée qui émerge à la fin du XVIIe siècle et se développe en Europe, surtout en France, au XVIIIe siècle.

Un ouvrier agricole  une personne qui vit d’un salaire en travaillant sur les terres d’autrui.

Une paroisse  la circonscription religieuse sous l’autorité d’un curé.

Un salon littéraire Dans le domaine culturel, c’est un lieu, d'abord inspiré de Versailles, qui réunit, chez une femme distinguée, des personnalités des lettres, des arts, de la politique : on y discute de sciences aussi bien que des affaires de l'État. Au long du XVIIIe siècle, les salons permirent de diffuser les idées des Lumières.

Un tenancier  un paysan disposant d’une exploitation de taille moyenne

Une crise de subsistance  un manque de nourriture, généralement dû à un hiver rude qui entraîne une mauvaise récolte.

La dîme l’impôt payé au clergé (environ 10 % de la récolte).

La gabelle  l’impôt royal sur la consommation de sel.

Un laboureur  un paysan riche disposant de charrue(s) et d’animaux de trait (chevaux, bœufs)

Un hôtel particulier  un type de logement consistant en une maison luxueuse, bâtie au sein d’une ville par une famille.

Un négociant  un marchand qui pratique le commerce en gros

Un armateur  une personne qui finance l’armement (l’équipement) d’un navire marchand.

Le commerce en droiture  le commerce direct entre la métropole et ses colonies (sans passer par l’Afrique).

Le commerce triangulaire le commerce entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique

Les bourgeois  les gens de la ville disposant d’un certain niveau de revenu, qui ne sont ni nobles ni membres du clergé.

Les échevins de Paris  les membres du conseil municipal qui assistent le prévôt de Paris et siègent avec lui à l’Hôtel de ville. Ils étaient élus parmi les officiers du roi ou les grands marchands.

Les gens de robe  fonctionnaires (officiers) travaillant dans la justice

La corvée royale  travail non rémunéré imposé au XVIIIe siècle aux populations rurales pour la création et l’entretien des routes.

Date de dernière mise à jour : 15/05/2023

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